Dans notre monde manifesté, la dualité semble une évidence. Le jour et la nuit, l'ombre et la lumière, l'ordre et le chaos. Nous avons tendance à voir ces opposés comme conflictuels, mais l'enseignement que j'ai retiré de Kom Ombo est tout autre...
Ce n'est pas l'affrontement des contraires, ni même la prise de conscience qu'il existe des paires d'opposés, qui importe, mais leur harmonisation.
Du "deux" peut naître une autre voie, une "troisième option" en quelque sorte... et pas toujours celle qu'on aurait pu imaginer de prime abord :-) !

Les traditions anciennes ne cessent de nous répéter cette vérité.
Dans le "Tao Te King" de Lao Tseu, il est écrit : "Le Tao engendre l'Un, l'Un engendre le Deux, le Deux engendre le Trois, et le Trois engendre toutes choses."

Ces 'triades' sont omniprésentes dans l'approche des Natha Yogi ; et le Dieu à tête de crocodile Sobek m'évoque, dans la tradition des Natha yogi, le "Makara", cette créature aquatique mythique, maître des eaux primordiales, symbole de puissance et de fécondité autant que de mystères _ les mystères de l'inconscient, les mystères de la sexualité, etc....

Cela nous ramène en fin de compte, à nos propres choix : céder allègrement à nos peurs, instincts et désirs vitaux, les refuser, les refouler, les ignorer, ou les accueillir, les transcender et surfer sur leur puissance ?.

Dans "Néter, Dieux d'Égypte" de Stéphane Rossini et Ruth Schumann-Antelme, il est dit que Sobek se présente comme "le reconstitué", "le rassembleur", "l'âme de tous les dieux" et "le maître de la semence". Bien loin du simple symbole de terreur que lui prête notre imaginaire moderne, il était vénéré pour sa force, sa tenacité et sa vigilance.

Sobek joue un rôle fondamental dans le mythe osirien (symbole de résurrection) : lorsque le corps d'Osiris est démembéré par Seth en 14 morceaux et dispersé dans le Nil, une légende dit que Sobek plonge dans les eaux et rassemble les morceaux du Dieu découpé. Il devient ainsi le "seigneur des cadavres", mais aussi le vecteur de la renaissance. Dans cette action, il n'est pas Seth, destructeur, mais tout au contraire un aspect d'Horus, celui qui rétablit l'ordre et permet à Osiris de réintégrer son UNité.

La présence en un même temple de ces deux Néther - ou "forces"- prend alors tout son sens : loin de deux polarités opposées, les deux divinités vénérées dans le temple de Kom Ombo se rélèvent être indissociables, complémentaires, coté pile et coté face d'une même médaille,
Ré-UNis...

Aujourd'hui, plus que jamais, notre monde semble en proie au chaos. Guerres, bouleversements climatiques, crises économiques... Tout semble diviser, éparpiller, fragmenter. Pourtant, si nous regardons ces événements avec les yeux des anciens, nous comprenons qu'ils ne sont pas des fins en soi, mais des phases de transformation. Sobek nous enseigne à ne pas craindre l'inondation, mais à l'utiliser pour féconder de nouveaux possibles.

Renoncer à la peur et à la vision conflictuelle de la dualité, c'est s'engager sur la voie du milieu, celle que prônent toutes les traditions :

• Le "Juste Milieu" du Bouddha
• La "Voie Royale" des égyptiens
• Le "Tao" de la philosophie chinoise
  ...

Or, L'équinoxe est le moment parfait pour nous rappeler cet équilibre : ni le jour ni la nuit ne dominent. En cet instant d'équilibre, nous avons l'opportunité de nous recentrer, de jouer le rôle de "rassembleur" en nous-même, de retrouver en nous "l'âme de tous les dieux" et d'embrasser la puissance du Ka, la force universelle de Rê ! Rê-veille-ons - nous !!

Alors, en cette période de bouleversements, choisissons de ne pas nous laisser engloutir par nos peurs. Ensemençons nos lendemains avec nos plus belles intentions. Faisons de chaque défi une opportunité pour réunir, pour structurer, pour renforcer notre équilibre intérieur.

Sobek nous montre la voie : il est à la fois créateur et destructeur, mais toujours UNificateur. En intégrant cette sagesse, nous pouvons, nous aussi, traverser les eaux tumultueuses du changement sans en être submergés, mais en en ressortant renforcés et régénérés.